Après la cuite [En pause]

Pamela avait dansé. Dansé toute la nuit. Pamela avait bu. Bu toute la nuit. Mais Pamela ne s'était mise à ressentir la fatigue qu'au bout de plusieurs heures. La soirée était géniale, si géniale qu'elle lui faisait oublier tout le reste. Ses parents profondément ravis en découvrant qu'elle avait fugué pour aller à la fête de fin d'année du Bel Edouard. La mauvaise note en mathématiques qu'elle n'avait toujours pas annoncé à sa famille. Deborah qu'elle avait surprise en train de discuter avec un gothique en rentrant des cours... Alors Pamela s'amusait. Mais la fatigue vint, malheureusement. La fatigue vint, et elle sentit qu'elle allait devoir partir de la soirée pour éviter de s'endormir sur place. Elle fit alors la bise à ses amies, au Bel Edouard, regarda une dernière fois les spots multicolores qui balayaient la salle, toutes ses personnes qui dansaient. Puis elle tourna les talons, ouvrit la porte menant vers l'extérieur et sortit. Soirée superbe.
Elle arriva à l'arrêt de bus, la tête enivrée. Il devait bien être trois heures du matin. ... Il n'y a pas de bus, à trois heures du matin. ... Pamela mit une dizaine de minutes à percuter cela, puis elle se maudit un moment et commença à marcher. Bien évidemment, marcher sur ses escarpins noirs aux talons très fins de dix centimètres, dans la nuit, ce n'est pas la chose la plus facile du monde. Surtout lorsque sa maison n'est pas la porte à côté.
Elle finit par arriver chez elle, les pieds douloureux, l'esprit embrumé. Aucune lumière. Parfait. Elle sortit les clés de son sac à main, les inserra dans la serrure de la porte et rentra. Elle enleva rapidement ses chaussures, en espérant faire un minimum de bruit, puis elle monta à tâtons l'escalier. Elle manqua de glisser à plusieurs reprises. Pour elle, c'était l'obscurité. Concrètement, c'était l'alcool. C'était pourtant interdit en Californie d'en boire avant vingt-et-un ans. Et pourtant, il y en avait à la soirée où elle était. Elle en avait bu. Et cela ne lui déplaisait pas. Elle finit par arriver à sa chambre, à son lit. Elle s'écroula comme une masse, épuisée. Elle s'endormit presque immédiatement.
Elle commença à rêver. Un rêve agréable : elle était chez le meilleur coiffeur de Los Angeles, celui qui coiffait les stars. Elle s'installait à un fauteuil, devant un miroir. A côté d'elle, des célébrités qu'elle avait toujours rêvé de rencontrer. Elle tourna la tête pour les regarder, il y avait Eva Longoria sur le fauteuil à sa droite, en train de lire un journal. La tête de Pamela effectua une nouvelle rotation et la jeune fille regarda droit devant elle.
...
Qu'on lui explique pourquoi, à la place du miroir du salon de coiffure, elle voyait une forêt. Elle regarda derrière elle : un champ. Elle était toujours assise sur son fauteuil. Mais elle était à la lisière d'une forêt. Attirée par les fruits accueillants qui poussaient sur les arbres, par les fleurs joyeuses, par le ciel amical et par les oiseaux rieurs, elle se leva et entra dans la forêt. Elle finit par ressortir, mais là, plus de fruits accueillants, plus de fleurs joyeuses, plus de ciel amical et plus d'oiseaux rieurs. Sur le sol rouge antipathique, des petales de fleurs désespérées. Un ciel sanguinaire et cruel. Des corbeaux moqueurs. Et des morceaux de cadavre sur le sol. Charmant, ce rêve.
C'est alors qu'une sorte de créature mi-homme mi-lapin s'approcha de Pamela et lui débita un discours sur des Alice bizares. Mais qu'est-ce qu'elle en avait à faire ? Elle avait qu'à se réveiller et POUF ! Fini le rêve ! Et pourtant, Pamychoups répondit au machin qui ressemblait à un lapin qu'elle allait se charger de dégommer ses Alices indégommables. Superbe programme. Il finit par partir, la laissant seule.
Pamela se pinça le bras. Rien. Alors plus qu'une seule solution si elle ne poulait pas se réveiller : traverser la forêt en sens inverse pour retourner dans le salon de coiffure des stars. Elle n'avait aucune envie d'aller tabasser des filles cinglées. La jeune fille commença à s'enfoncer dans les bois.
Ce rêve était vraiment singulier.